Les cités englouties

C’est la fin de l’été 1948 et l’Albatross, un navire océanographique suédois, remonte tranquillement la mer Rouge. Il termine un tour du monde de plus d’un an, pendant lequel l’équipage a réalisé deux prouesses: les premières mesures sismiques de l’épaisseur des sédiments marins, et le forage de carottes de 20 mètres au fond de l’océan. Au large de Djeddah, on remonte quelques derniers échantillons d’eau de mer. Bizarre: à 600 mètres de profondeur l’eau est très salée, et bien plus chaude qu’en surface. Plus salée, ça se comprend: il fait chaud, l’évaporation en surface est forte, l’eau salée coule au fond… mais elle devrait quand même se refroidir ! Malheureusement, le géochimiste de l’expédition n’est plus à bord: il a débarqué aux Seychelles pour rejoindre au plus vite sa fiancée en Angleterre. Du coup, on laisse tomber, et les analyses plus poussées attendront.

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Géographies évanouies

Inventer des géographies, ça fait partie des grands plaisirs de l’imaginaire. On aime parcourir les cartes de la Terre du milieu, les continents biscornus de Game of Thrones ou les archipels extraterrestres d’Aldébaran. Le dessin de la carte est le premier ingrédient indispensable quand on met en place un jeu de rôle ou une partie de Civilization. Et depuis qu’on peut (indirectement) explorer d’autres planètes, c’est naturellement devenu une des premières choses qu’on y fait: on s’imaginait voir des océans sur la Lune et sur Mars, et on se dépêche de baptiser les grandes régions de Pluton maintenant qu’on a reçu les fabuleuses images de la sonde New Horizons. Peut-être trouve-t-on là le même plaisir d’explorateur frustré qu’on ressent quand on découvre les géographies pas toujours très réalistes sur les cartes anciennes, où l’Amérique n’a pas encore de côte ouest, et où la terre australe inconnue est plus grande que l’Afrique. Parce qu’il faut bien s’y résoudre: depuis quelque temps, sur Terre, les cartes des continents sont complètes, (trop) familières et désespérément statiques.

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Renversant !

On dit souvent que les vieilles disciplines scientifiques ont toutes connu un bouleversement d’ampleur quasi-métaphysique au cours du XXe siècle. C’est en physique que ça commence, avec la relativité restreinte puis générale d’Einstein. Puis à nouveau avec la mécanique quantique de Planck, Einstein, Heisenberg, Dirac, Schrödinger et les autres, et qui révolutionnera aussi la chimie. En 1953, Franklin, Watson et Crick découvrent la structure de l’ADN: la biologie ne sera plus jamais la même. Et le dernier domaine à avoir radicalement changé de visage, c’est la géologie.

Au cours des années 60, la théorie de la tectonique des plaques s’est affirmée au point qu’on a du mal, aujourd’hui, à imaginer ce que pouvait être la géologie avant. Tout en amont de cette révolution, il y a une découverte fortuite, anodine, mais à la portée considérable. Et pourtant… qui connaît le nom de Bernard Brunhes ?

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Les continents flottants

Les journaux ont récemment relayé un article paru dans la revue de la Société Géologique Américaine (GSA): les géologues considèrent que la Terre possède désormais un nouveau continent, Zélandia. Un continent paradoxal, puisqu’il est presque entièrement recouvert d’eau: ses seules émergences seraient les îles de Nouvelle-Zélande et de Nouvelle-Calédonie. Et si cette annonce [1] a fait autant de bruit, peut-être que le mythe de l’Atlantide et l’image toujours prégnante des continents engloutis n’y sont pas pour rien…

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L’étrange destin scientifique de quelques vieux mots grecs

asterix1Aujourd’hui, l’usage du latin et du grec se perdant inexorablement, il devient rare que la science produise encore des mots nouveaux autrement qu’en concaténant des mots anglais ou en empilant des sigles. Ainsi les articles scientifiques parleront plus volontiers de foam dynamics (dynamique  des mousses) que d’aphrodynamics [1]. Jusqu’au début du XXe siècle en revanche, on a vu fleurir les microscopes, les cinématographes et autres thermomètres.  Toutefois si ces mots paraissent asterix2transparents dans leur étymologie, ce n’est pas toujours le cas: d’étranges racines sont parfois venues se nicher au sein du vocabulaire scientifique.

Un premier exemple: électron, électricité, électronique. Autant de noms qui sonnent comme la modernité même. Et pourtant tous sont issus du grec ἤλεκτρον, qui signifie… l’ambre jaune !

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